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Petit village de cabanes de pêcheurs, Tagenza se niche sur la plage au creux des dunes à deux kilomètres au nord de Sidi Kaouki. Les pêcheurs vivent sur les hauteurs dans le village de Ouassène ou à Sidi Kaouki.
L’accès en voiture se fait par une piste située environ à 500 m du village, après l’embranchement goudronné de Ouassène, ou à pied par la plage.
Drôle de pêche
Durant les mois d’été, quasiment tous les jours, l’espace, à l’arrière des cabanes de pêcheurs et face aux vestiges de décors de cinéma, est totalement recouvert de petits et de gros monticules d’algues rouges et noires. Les couleurs tranchent et étonnent dans ce décor de pierres, de sable, d’eau, d’eucalyptus et de genets blancs.
La cueillette de ces algues appelées « gara-gara » (« agar-agar ») se limite aux mois de juillet et août. Les dix autres mois, c’est le repos biologique obligatoire. L’« agar-agar » est un produit gélifiant obtenu par déshydratation, riche en fer, à partir d’algues rouges brillantes. Par dérivation, les algues récoltées pour sa fabrication en portent le nom.
A Tagenza seuls les bateaux jaunes sont habilités pour la cueillette. Le reste de l’année les barques, posées sur le sable à l’ombre des eucalyptus, côtoient les ânes. Les mois chauds, les bateaux bleus prennent leur place. Les hommes abandonnent quasiment toute autre forme de pêche, celle-ci étant plus rentable. Le pêcheur devient, à cette occasion, mi-marin, mi-paysan.
Les algues sont débarquées des bateaux, acheminées par les chameaux dans le village, mises à sécher, puis chargées en gros ballots sur les camions. C’est la ronde sans fin des bateaux, des hommes, des chameaux, des camions. Cette activité n’est pas sans évoquer celle, intense, du ramassage des goémons dans le Nord de la Bretagne.
Les algues contiennent entre 60 et 80% d’eau. Le sol dunaire, le soleil et le vent sont les conditions indispensables à la réussite du séchage. Quelques heures d’exposition au soleil suffisent à donner aux algues un bel aspect. Elles viendront ensuite grossir les amoncellements sombres pour être empaquetées.
Ces algues se ramassent toujours manuellement, essentiellement sur la côte de Oualidia à El Jadida ainsi qu’au sud d’Essaouira, où les fonds sont rocheux. Pour la récolte du « gara‑gara », les hommes plongent en apnée, rarement équipés de combinaisons.
Les débouchés industriels ne manquent pas : transformation en gélatine, cosmétiques et plastique. Les jours de pleine lune, l’amplitude et la puissance de la marée en déposent des tonnes sur le bord des plages.
Une promenade dans les environs sera l’occasion de faire halte dans ce petit village : paysages grandioses et plages immenses. La violence des orages, tempêtes et chutes de pluie de cet hiver auront eu raison, presque intégralement, du village décor qui subsistait contre vents et marées depuis quelques années. Néanmoins de rares vestiges de murs de fausses pierres, morceaux de colonnes et voûtes antiques de pacotille résistent encore.
Par temps dégagé, plus haut sur la falaise, le panorama à 360° de Ouassène, est une merveille. Le cap Sim est proche par le sentier côtier, ainsi que la grotte des surfeurs. Quelques heures de marche sont nécessaires pour gagner Essaouira par la côte, mais l’environnement réjouira les randonneurs : dunes de sable, forêts de mimosas et d’eucalyptus habitées par les tortues, plages désertes, pêcheurs isolés sur les rochers, la cité et les îles Purpuraires dans le lointain, tels un mirage.